Un court-métrage : "L'annonce faite aux mariolles"

Publié le par Olivier Ramon


Avec Eric Herbette il nous a suffit d'une poignée de semaines pour écrire ce scénario. Ensuite de longs mois, presque une année, pour s'assurer que ni le CNC ni le moindre producteur (plus de 70 envois avec le suivi téléphonique qui s'impose) n'étaient prèt à venir jouer avec nous. Alors on a décider d'y aller tout seul, comme des grands. On a tourner "L'annonce faite aux mariolles" en octobre 2005, en HDV en s'offrant le luxe du Mini 35 et du Quantar, Posprod à la maison grace à Final cut pro HD. Fin des travaux en Mars 2006. Voici l'équipe merveilleuse qui m'a suivi dans cette aventure:

Scénario :
Olivier Ramon
Eric Herbette

Musique :
François Bou
Sarah Murcia

    La nonne          Sibylle Claudel
        Lola          Laurie Catrix
        Tony          Loïc Lefebvre
       Pascal          Alexis Bonnet
           Nono          Antoine Régent

Image :
Vincent Buron
Thomas Brésard

Montage :
Joëlle Dufour

Son :
Sébastien Hibelot
Grégory Wintrebert

Maquillage coiffure :
Arnô Ventura

Décoration :
Giacomo Macchi
Yannick Lefebvre

production régie :
Guy Giraud

1er assistant réalisateur :
Jean-Marc Vicquery

Script-girl :
Anne-Laure Castells

Photographie :
Natacha Andreïef

Montage son :
Sébastien Hibelot

Mixage :
Amélie Canini
Eric Rey

Musiciens :
François Bou    Piano
           Sarah Murcia   Contrebasse
Louise Ramon    Violon

Enregistrement mixage musique :
Eric Gemsa


Depuis le début de l'année je l'envoie à tous les festivals de France et d'ailleurs. Pour l'instant aucune sélection. Serait-ce le sujet? l'absence de producteur? le nombre allucinant de court-mètrage sur le marché? Toujours est-il que ce film existe qu'il est beau et tendre, quil cherche toujours une diffusion, voir un producteur, enfin un peu de reconnaissance quoi!!!

En attendant voici le scénario avec quelques plan-films.

Pour le voir contactez moi









GENERIQUE - CASE AUTOMOBILE - EXT / JOUR.

Des carcasses de voitures, une terre gorgée d'huile de vidange et de cambouis, un sol jonché de boulons, câbles électriques et autres filtres comme si les épaves les avaient crachés dans un dernier soupir, dans une flaque une affiche publicitaire promettant le paradis sur terre. Des pieds minces aux chevilles fines, à peine abrités par des sandales d'un autre âge, avancent sur un chemin qui court vers une montagne. Le pas est sur, sans empressement. Une robe longue et sombre accompagne cette démarche simple, élégante, féminine. Une fois les titres passés on découvre la montagne qui fait cul-de-sac et les falaises qui retiennent l'assaut des carcasses qui s'empilent, un monologue intérieur se fait entendre et l'on découvre une nonne qui avance sereinement sur la route.

LA NONNE : J'irai partout où votre nom m'appelle. Car il est mon guide et mon chemin. Tout homme a droit à l'amour, tout homme doit le connaître. Aimez-vous les uns les uns autres comme je vous ai aimé. Vous avez racheté nos pêchés en vous faisant homme. Vous êtes descendu parmi nous, Jésus, Jésus. Vous êtes mon sauveur. Par moment, je me demande si je sais vraiment vous prier. Si je fais bien ce que vous attendez de moi. À d'autre, pas du tout, parce que je sais que je vous suis fidèle, fidèle à l'Evangile? Ce que vous regardez c'est la pureté du coeur. Je ferai votre volonté, chaque jour, oui chaque jour.  Que vous rendez l'âme lumineuse !


Seq. 1 - CASSE - ATELIER - EXT / JOUR.

Un dégagement dans l'amas de ferrailles, un atelier de démontage ouvert aux vents, face à la falaise qui borde la casse avant d'être dévoré par les voitures à son pied. Au fond une ouverture vers les entrailles dorées d'un hangar de stockage.

LOLA (off): Salaud!?

Un bruit de ferrailles renversées et Lola apparaît sur le seuil, ou plutôt elle jaillit dans l'atelier suivie de Tony qui tente un ultime coup de pied aux fesses.

TONY : Fous le camp.

Lola recule pour éviter les coups et s'efforce de répliquer. Tony avance sur elle, certain de sa force, il en profite.

LOLA : C'est pas toi qui me vires, c'est moi qui me tire. T'es qu'un baveux, pire qu'un avocat. Je dirais même plus : une betterave. Et pour ta biroute tu peux te la coller derrière l'oreille. J'ai besoin d'air, parce qu'un type qui sait même pas donner du plaisir n'est qu'un mytho ! Adieu connard.

TONY : Allez, casse-toi maintenant, je t'ai assez entendu.

Lola veut lui mettre un coup de sac à main, Tony esquive de justesse?

LOLA : Je t'aurai !

Tony Prend Lola par le col.

TONY : Celle qui me mettra la corde au coup n'est pas née !

Lola grimace sous la poigne du macho, il la vire malproprement. Lola s'en va clopin-clopant sur le chemin.

LOLA : Sac à merde !

Tony, en roulant des mécaniques, rejoint Pascal et Nono ses deux comparses, installés dans une caisse morte comme dans des fauteuils d'orchestre, au spectacle.

TONY (à l'adresse de ses potes) : Non, mais pour qui elle me prend ? Vous avez vu ? Tu leur files ça, et elles prennent tout !

PASCAL (la cinquantaine burinée par le cambouis et les gaz d'échappement) : Bon, maintenant que tu as fini, on pourrait peut-être se mettre au chagrin.

Tony se recoiffe devant un rétroviseur de camion, il s'admire avec sa belle gueule de latin lover macho et il est sûr de son charme.

TONY (absorbé) : Quoi ?

PASCAL : Le turbin, tu sais comment c'est fait ?

TONY : Tu crois que la rouquine de la boulangerie, elle voudrait faire un tour en Jaguar ?

Nono fait un signe de la tête comme pour dire : « C'est pas vrai, il recommence ! ».

PASCAL : La Jaguar, c'est si tu bosse, ok ?

Seq.2 -CASSE ROUTE EXT- JOUR.

La jeune nonne continue son chemin, au loin Lola arrive vers elle, le geste large et le verbe encore haut, folle de rage.

LOLA : Je vais le faire dérouiller, même si je dois pour ça me déchirer ! Il va redescendre quand il verra qui je lui aurai envoyé ! Gros con qui, qui pense qu'à lui ! Il va connaître des lendemains qui soupirent !

Au moment où elles se croisent, Lola prend même la nonne à partie.

LOLA : Ah ! ma soeur, j'ai toujours cru que vous étiez des souris cinoques qui avaient peur du braquemart, mais je m'aperçois aujourd'hui que vous avez choisi la sagesse. C'est bien mieux de se consacrer au salut des hommes plutôt que de leur prêter son derche. (Un temps où elle dévisage la nonne) Mais je suis plus assez vierge pour entamer le virage de ma vie. Les mecs sont que des pourris, vous ne pouvez pas savoir?

La nonne, à peine surprise, poursuit sa route?

LOLA : Vous n'avez pas le droit de parler aussi ? (Alors que la nonne s'éloigne) Ne pas causer, ça je pourrais pas. Parler, c'est ce qui me sauve de la déprime.

Le monologue interne de la nonne reprend. Elle se dirige vers les hommes.

LA NONNE : Je dois les aider, je dois aider tous ces êtres à retrouver le bon chemin. Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez. Car celui qui demande reçoit, qui cherche trouve. Je sais, je sais mon Dieu et surtout faites aux autres ce que vous attendez d'eux. Qu'il est bon Seigneur de marcher dans votre ombre.


Seq. 3 - CASSE - ATELIER / EXT - JOUR.

Retour dans l'atelier.

NONO : Pourquoi tu l'as jetée la petite ?

TONY : J'en ai eu marre d?un coup.

NONO : Tu aurais pu mettre les formes, c'est moi qui te l'ai présentée.

TONY : C'est pas la meilleure idée que t'aie eu !

NONO : Quoi, c'était pas une bonne idée ?

TONY : Non.

NONO : T'es vraiment pas reconnaissant ! Et puis qui a fait ton boulot pendant tes trois jours de lune de miel passés dans l'algéco ?

PASCAL : Ca suffit !

NONO (à Pascal) : Il en a pas profité ?

PASCAL : Si.

NONO : Il ne voulait pas en finir avec les femmes, en trouver juste une, pour se ranger ?

PASCAL : Si !

NONO : Il était pas tout transis quand il l'a vu arriver !

PASCAL : Si.

NONO : Y'a pas fallut trouver des fleurs en quatrième vitesse ?

PASCAL : Si, mais tu vas arrêter de me faire raconter des conneries Nono. Je veux qu'on mette par terre la twingo ! Je deviens dingue avec vous deux !

À l'arrière-plan, la nonne passe sans un regard. Tony l'a remarquée et la signale aux deux autres.

TONY : Regardez le petit lot qui passe.

Déjà elle s'éloigne, silhouette gracieuse sur le chemin. Les trois hommes ont quitté l'épave qui leur servait de salon et s'avancent ensemble sur le chemin et la regardent s'éloigner.
 
PASCAL : Qu'est-ce qu'elle fout là ?

TONY : Rien que pour ça je croirai en Dieu.

NONO : C'est une soeur, faut la respecter.

Tony fonce. Il s'apprête à emboîter le pas de la soeur.

PASCAL : On peut savoir pourquoi Monsieur s'évapore, alors que le taffe l'attend ?

TONY : Je décarre parce qu'il n'y a pas moyen de s'épanouir ici !

NONO : T'es gonflé !

Tony part à la poursuite de la nonne qui a disparu dans la perspective maintenant déserte. Les deux compères le regardent partir.

PASCAL : Une nonne, il y va perdre la queue.
 
NONO : Je ne sais pas.

PASCAL : Le Tony, il pense qu'à enjamber, c'est tout !

NONO : On doit l'aider.

PASCAL : Mais, laisse-le.

NONO : Je veux pas le laisser, Tony. C'est un peu comme mon petit frère.
 
PASCAL : T'as pas adopté le meilleur.

NONO : On choisit pas, c?est la loterie.

Nono dégage d'un tas de ferraille une mobylette antédiluvienne attelée d'une carriole rouillée. Pascal l'aide à pousser l'engin qui finit par démarrer en pétaradant. Tous deux sautent, l'un sur la selle, l'autre sur la carriole et, fouette cocher, ils disparaissent par une autre allée dans un nuage de poussière.


Ses. 4 - MONTAGNE, CHEMIN / EXT- JOUR.

Tony est sorti de la casse à la poursuite de la nonne, il arrive d'un bon pas au bas d'un petit raidillon empierré. Il s'arrête, la cherche du regard, hésite. Pour la retrouver, la suivre, la rattraper. Enfin il l'aperçoit, la nonne est là-bas au loin. Il s'élance content d'avoir retrouvé sa proie. Il y va comme un gars qui en aurait pour trente seconde à la rattraper. « Tu ne perds rien pour attendre ». Elle est, somme toute, bien loin, mais il l'a en ligne de mire. Il en vient presque à courir, il baisse le front pour s'élancer et s'aperçoit avec horreur que son lacet est défait. L'arrêt est obligatoire et pendant que Tony refait fébrilement son noeud, la nonne disparaît à nouveau au bout du chemin. Il merdouille et s'énerve?

TONY : Mais où elle va comme ça la garce ?

Enfin, il repart précipitamment à sa poursuite. Il transpire déjà sous le soleil et peine sur les cailloux traîtres du chemin.


Seq. 5 - MONTAGNE , CHEMIN PLUS LARGE - EXT / JOUR.

Tony déboule sur cette petite route à peine carrossable, il cherche la nonne du regard. La voilà au loin qui continue son chemin. Son pas n'a pas changé, il est toujours aussi serein, rien ne lui résiste, elle est presque aérienne et pourtant Tony n'a pas gagné de terrain. Il est en nage, hors d'haleine.

TONY : C'est dingue, comment elle fait ?

Pétarades, voici la trapanelle. Ils arrivent à la hauteur de Tony.

PASCAL : Ben mon vieux, t'as l'air lessivé ! Je t'ai jamais vu comme ça.

NONO : Tony, tu devrais pas poursuivre. Tu me fais peur. C?est pas une chose pour toi.

TONY : Qu'est-ce que tu en sais ?

NONO : Je le sais, c'est tout !

PASCAL : Pourquoi...

TONY : Vos gueules les mecs, vous me faites chier. Descendez.

PASCAL : Quoi ?

TONY : T'as parfaitement entendu.

PASCAL : Tu peux toujours te fouiller.

TONY : J?ai plus une minute à perdre. Nono, descends.

NONO : Non.

TONY : Pascal, descends, je le répète.

PASCAL : Non.

TONY : Putain, faire ça à un ami !
 
Il secoue la mobylette. Nono résiste comme s'il s'agissait d'un jeu.

NONO : L'aura, l'aura pas ? Tu te souviens, toutes les conneries qu'on a fait ensemble !

TONY : Je suis pressé.

NONO : Allez.

TONY : Tout ça, c'est du passé !

Tony d'une baffe autoritaire se rend maître du véhicule. Nono descend en silence. Tony lève la main sur Pascal. Pascal lui montre son poing.

PASCAL : C'est bon, comme je veux pas te chabler comme un malpropre, je passe la main.

Tony hausse les épaules, et tandis qu'il enfourche la mobylette.

NONO : J'aurais jamais cru que t'aurais pu me faire ça.

Tony s'éloigne en pédalant comme un malade pour faire démarrer l'engin. La nonne a disparu.

NONO (off)  : Va te faire foutre, Tony de mon cul.

PASCAL (off) : Il t'entend pas, il a été touché par la garce.


Seq. 6 - MONTAGNE - CHEMIN AUX ABORDS DE LA CHAPELLE - EXT / JOUR.

La nonne marche, toujours aussi tranquille, dans la forêt déserte. Elle gravit une pente où des hommes ont installé, il y a bien longtemps, des marches de pierres. On touche au but.

LA NONNE (intérieur) : Je vais où je me sens guidée. Rien ne me fait peur.

Plus bas sur le chemin Tony apparaît, suant, soufflant sur sa pétrolette. La côte est trop rude pour l'engin et il l'abandonne de rage dans le sous-bois pour poursuivre à pied sa course.

TONY : Enfoiré d'engin.

Luttant contre les pierres du chemin qui le font trébucher et les épineux qui s'évertuent à le retenir.

TONY : Y'a pas de justice. Mais qu?est-ce que j'ai fait au bon Dieu ?

Il se rapproche enfin, hors de lui, le visage marqué par les souffrances de son Golgotha.


Seq. 7 - DEVANT LA CHAPELLE - EXT / JOUR.

La nonne arrive devant la chapelle. Elle marque une pause.

LA NONNE : Si les hommes t'ont abandonné, sache que Dieu ne l'a pas fait. Et d'entre les morts tu ressusciteras. Je vous salue Marie pleine de grâce que votre règne arrive que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Que le fruit de vos entrai...

Tony arrive enfin à bout de souffle.

TONY (bégaie, à peine compréhensible) : Bonjour, bonjour Madame.

La Nonne se retourne et sourit... Le souffle coupé il bredouille, essaie de s'expliquer.

TONY : Je bosse à la casse. Enfin, je travaille. Et, et si je peux vous rendre service, je suis là. Je travaille quand je veux. Y'a une twingo, vous savez les twingos, vous aimez la twingo ?

D'abord elle ne dit mot.

TONY : Mais peut-être que vous n'en avez pas besoin. C'est vrai et puis j'ai rien à vendre... Comment vous faites ?

Un silence pesant puis ils prennent la parole ensemble, confusion.

TONY (en même temps que la nonne) : J'ai rien dit, on devrait recommencer tout au début au moment.

LA NONNE : Je ne comprends pas. Vous me demandez comment je fais quoi ?


Ils éclatent de rire. Elle est tout simplement radieuse et lui, subjugué... Il ne sait plus, juste qu'il est là, qu'il doit lui parler.

TONY : J'ai pas l'habitude de parler, je veux dire de parler à une personne comme vous. Je m'appelle Tony. Ma mère a beaucoup pleuré à cause de moi. Elle voulait que je sois instituteur. Elle ne se rendait pas compte. Mon père, lui, Il, il, j'étais son fils, il en était fier. Moi, j'étais pas content de lui, une sorte de con heureux. Mais, je me débrouille et j'ai la vie devant moi.

Elle le laisse parler, surprise. En fait elle le regarde, il est beau sous le soleil déjà bas. C'est la première fois qu'elle est si près d'un homme, elle le sent, elle l'entend, elle est troublée.

TONY : Je vous fais peur ! Si vous voulez, je peux partir. Et on se revoit demain. Non, je débloque. Demain vous serez ailleurs. Que voulez-vous que je fasse ? Tenez, si vous me demandez de, de... Demandez-moi quelque chose, n'importe quoi et je le fais, je veux pas vous perdre. Vous voulez prier pour moi ?

Alors, la nonne l'entraîne dans la chapelle, plus propice à la confession.


Seq. 8 - DANS LA CHAPELLE - INT. / JOUR.

La nonne est déjà à l'intérieur quand Tony la suit dans la chapelle. La porte qui laissait entrer le soleil s'est doucement refermée pour que la chapelle soit baignée d'une lumière douce transpercée d'un seul rayon, venant d'une rosace de pierre. C'est très dépouillé, la trace d'un christ en croix sur le mur pour seul ornement derrière un autel de pierre où s'abandonnent les restes d'un bouquet tout sec. Elle s'y dirige et tranquillement, presque détachée, pour lui laisser de l'espace ou se remettre de sa propre émotion, elle commence par faire le vide sur le tabernacle, une fine poussière envahit l'air alentour... Pendant qu'elle s'affaire, il est venu s'asseoir sur une des marches qui mènent à l'autel. Il la regarde et c'est à elle qu'il s'adresse.

TONY : Vous avez raison, un bon coup de ménage s'impose. J'ai pas le souvenir d'avoir vu quelqu'un ici. Remarquez, je suis pas beaucoup venu.

LA NONNE : Comment s'appelle votre mère ?

TONY : Arlette... Ça fait longtemps que je ne l'ai pas revu. remarquez, je comprends qu'elle ai pas envie de me revoir. Je suis pas gentil, vous savez. Je l'ai déçu. Je ne suis pas méchant non plus, je me fous un peu des autres.

Elle s'est approchée de lui pour mieux l'écouter. Elle se tient légèrement en retrait, une marche ou deux plus haut.

TONY : Un peu, non, beaucoup. Mais tout le monde est comme ça, non ?
Regardez les femmes, les copains si on n'est pas sur ses gardes, on devient vite un toutou, un esclave, y'a pas moyen de faire autrement. On domine ou, on est dominé.
(Un temps? Où il a réfléchi)
Petit, j'avais envie de me venger. Et puis c'était marrant de faire chier les parents, les bêtes aussi. La première fille que j'ai connue, j'avais treize piges, elle était mariée. Elle voulait un puceau. J'ai trouvé ça bien ! Alors depuis j'enchaîne, des fois, je parle même pas, ou très peu, juste assez pour emballer. Je leur donne ce qu'elles veulent. Et quand y'en a une qui me colle trop, ou qui se met à chialer pour un rien, je la jette, vite, je m'encombre pas.

LA NONNE : Pourquoi ?

TONY : Je sais pas. Disons que je fais comme les autres, je rajoute de la merde à la merde. Et que ces histoires d'amour, c'est pas pour moi, ça a jamais été pour moi.  J'dis pas qu'on peut pas être bien avec quelqu'un, mais c'est juste un moment. Parce qu'il y a toujours quelque chose qui cloche. C'est un problème l'autre. Moi, je devance, je suis jamais pris. Je décroche. Comme ça je souffre pas. Clean, net et bien coiffé.

 La nonne s'assoit à côté de lui. Puis, elle pose la main sur son épaule, il tourne son visage vers elle et sans quitter son regard il appuie sa joue sur son bras. Elle le regarde intensément et lui se perd dans ses yeux. Il veut y croire enfin, il n'ose s'y laisser glisser. Il semble perdu, désespéré par la révélation. Sa tête se pose sur les genoux de la nonne.

LA NONNE : Tony , comment pouvez-vous penser qu'on ne peut pas souffrir quand on est sur terre?

Dans le silence qui suit, elle lui caresse les cheveux et son regard aussi se perd.

TONY : Je suis qu'un mariolle, un bastringue.

Un temps.

LA NONNE : Au fond, vous avez peur Tony. Vous êtes blessé, un blessé de l'amour. Laissez-vous aller et vous verrez un autre monde. Les barrières tomberont, donnez et vous recevrez bien plus que vous n'avez donné. Vous ne pouvez pas vivre comme un coquillage accroché pour toujours à son rocher. Le danger ne vient pas de l'amour, mais du manque d'amour.

Il la regarde et leurs visages se rapprochent lentement, irrésistiblement.

LA NONNE : N'ayez plus peur Tony.
Je vous le dis, c'est le manque d'amour le pire.

Leurs lèvres s'effleurent. Ils s'embrassent comme des enfants d'abord, puis comme des grands, enfin avec cette frénésie contenue, suite à une longue traversée du désert. Tony ne sait rien, ne veut plus rien savoir, il est vierge d'amour. C'est elle qui prend l'initiative, instinctive. Elle le renverse lentement et ses mains s'emparent de son torse alors que le baiser dure indéfiniment. Il subit l'assaut, les sens en perdition. Elle enlace ce corps sans retenue, affolée par la magie de l'instant.

Seq. 9 -  DEVANT LA CHAPELLE -EXT. / JOUR AU COUCHANT.

Pascal et Nono arrivent péniblement aux abords de la chapelle. Ils tournent en rond devant la porte. Pascal s'assoit sur une pierre du petit parvis.

PASCAL : J'en peux plus.

Nono essaie d'ouvrir la porte. Impossible? Il met un grand coup de pied.

NONO : Ils sont là, j?en suis sûr.

Nono essaie de voir à l'intérieur en vain.

PASCAL :On va voir s'il y a pas une entrée de côté.

 Ils contournent la chapelle pour inspection.

Seq. 10 - DANS LA CHAPELLE - INT. /JOUR AU COUCHANT.

Sa coiffe a disparu, la masse sombre de sa chevelure libérée exalte la beauté de son visage, sa robe dérobée découvre ses longues cuisses et sa poitrine dans le désordre est à demi dénudée.  Elle le chevauche, divine diablesse, et se redresse et Tony submergé par l'extase, à la limite de la transe, s'abandonne à l'assaut désordonné de la jeune nonne. Il découvre un monde nouveau, un espace qu'il n'espérait plus où son amante éperdue l'entraîne, elle qui ne soupçonnais même pas la possibilité d'une telle rencontre. Autour d'eux la chapelle perd de sa réalité, l'univers se transforme et pour l'un et pour l'autre. Une joie païenne et divine illumine le visage de la soeur, le regard plongé dans celui de cet homme nu, dépouillé mais ravi et heureux.


Seq. 11 - ARRIÈRE DE LA CHAPELLE - EXT. / JOUR AU COUCHANT.

À l'arrière de la chapelle une forte lumière semble émaner du petit vitrail en hauteur, comme si le soleil se couchait à l'intérieur.

PASCAL : Ils z'y sont pas.

NONO : J'ai entendu du bruit. (En montrant l'ouverture illuminée) Et ça, c'est quoi ? On va jouer les monte-en-l'air, fais-moi la courte échelle.

Pascal lui fait la courte échelle. La lucarne est haute et c'est en équilibre instable qu'il arrive enfin à glisser un oeil, il est aussitôt ébloui et son geste de recul fait chavirer les deux compères qui se relèvent en pestant.

PASCAL : Qu'est-ce qui s'est passé ?

NONO : Je sais pas, trop de lumières.

Nono sort une paire de lunettes de soleil. Pascal hésite.

NONO : Qu?est ce que tu veux qui arrive ?

PASCAL : Rien.

NONO : Ta twingo, tu veux que je te la démonte, oui ou merde !

PASCAL : D'accord, mais j'en ai vraiment ras le bol.

Quand Nono est sur les épaules de Pascal, le bruit de la porte principale se fait entendre, ils en restent comme deux ronds de flan, et filent vers l'avant du bâtiment.

NONO : Grouillons !


Seq. 12 - DEVANT LA CHAPELLE - EXT & INT / JOUR LE SOLEIL A DISPARU.

Ils arrivent devant la chapelle, la porte est ouverte et la nonne s'éloigne sur le chemin de son pas paisible, déjà à une vingtaine de mètres. Ils entrent précipitamment dans la bâtisse pour retrouver leur ami, mais la petite salle est déserte, la lumière y est maigre, triste, la poussière est maîtresse du lieu.

NONO : Tony ? Tony t'es là ?

PASCAL : Fais pas le con, on sait que t'es là !

Ils le cherchent partout, en vain.

NONO : Où c'est qu'il a pu se fourrer ?

PASCAL : Sors de ta planque ou je te vire de la casse.

NONO : On oublie la baffe, d'ailleurs j'ai pas de mémoire.

Pascal ressort. Nono scrute la chapelle.

PASCAL : Madame, Madame.

NONO (qui l'a rejoint) : Revenez, revenez.

Celle-ci est trop loin sur le chemin et ne semble pas les entendre.

NONO : Mais qu'est-ce qu'elle lui a fait ?

PASCAL : Ta gueule, Nono, surtout t'en parle pas, à personne. Parce que des mecs qui disparaissent comme ça, ça n'existe pas, tu me suis . Y'a un bluff là-dessous.

NONO : Je veux pas. faut qu'on creuse.

PASCAL : Qu'on creuse ?

NONO : Oui, qu'on creuse.


Seq. 13 - SUR LE CHEMIN DE LA CHAPELLE - EXT. / SOIR.

Au lointain la chapelle abandonnée avec deux gugus les bras bâlants et le ciel qui s'assombrit.

NONO (presque off, au lointain) : On va amener la pelleteuse et le marteau piqueur.

PASCAL : T'as raison, on doit tirer cette histoire au clair.

Au premier plan, la nonne avance tranquillement et son monologue reprend.

LA NONNE (Voix intérieure): Mon Dieu, l'amour de son prochain est ce qui nous sauve. Mais pourquoi faut-il que les hommes se volatilisent quand ils le rencontrent ? C'est curieux, non ? Oh, pardonnez-moi seigneur, j'ai douté de vous.  Jésus, juste une question : qu'est-ce qu'une twingo ?
 


Fin


Publié dans o-ramon

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J
Super ton blog Oliv' !!!<br /> <br /> C'est une belle carte de visite où je suis certain, d'autres productions cinématographiques viendront s'ajouter.<br /> <br /> Asta la victoria sempré<br /> <br /> Jean-Marc
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